Commentary

La loyauté envers son club et sa ville

biello clapping

MONTRÉAL – Pour Mauro Biello, la loyauté – envers son club et sa ville –, c’est tout naturel.


En 1999, Biello n’avait pas d’équipe. Son club, l’Impact de Montréal, avait choisi de ne pas jouer sa saison de soccer extérieur pour se concentrer sur sa saison de soccer intérieur. Biello a donc fait le saut chez les Rochester Raging Rhinos de la A-League, la deuxième division nord-américaine de l’époque.


Les Rhinos n’ont que flirté avec un deuxième championnat consécutif, cette saison-là. Mais en Coupe des États-Unis, ils ont éliminé quatre équipes de MLS – le Chicago Fire, le Dallas Burn, le Columbus Crew et, en finale, les Colorado Rapids.


Ce parcours a attiré l’attention non seulement des partisans, mais aussi des franchises de MLS à la recherche de renforts. Biello, du milieu de terrain, a marqué deux buts en cinq départs. Des clubs de MLS étaient intéressés, mais Montréal préparait son retour sur le terrain extérieur.


« Des discussions à propos d’un séjour en MLS ont eu lieu, raconte Biello en entrevue à MLSsoccer.com. On parlait de New England et de Tampa Bay. Les entraîneurs ont été mis au courant. Je ne veux pas entrer dans les détails, mais je jouais aussi au soccer intérieur à l’époque, et ç’avait plus de sens pour moi de jouer [à l’intérieur et à l’extérieur], sur le plan financier. J’allais me marier. […] Et [Montréal], c’est chez moi. »


Et ce l’est toujours, 16 ans plus tard, sans regret. L’heure n’est d’ailleurs pas à la remise en question. Biello est, depuis une dizaine de jours, le nouvel entraîneur-chef par intérim de l’Impact, un club on l’identifie sans hésitation. Hormis cette escapade à Rochester, Biello n’a jamais quitté l’Impact depuis qu’il s’y est joint à la toute première saison, en 1993.


C’est dans la vieille Ligue canadienne de soccer que Biello, repêché par le Supra de Montréal en 1991, a reçu sa première chance. C’était à l’époque où bien des joueurs de soccer nord-américains jouaient tant à l’intérieur à l’extérieur. Biello a commencé sa carrière à l’intérieur en 1995 pour le Buffalo Blizzard, qu’il a quitté deux ans plus tard lorsque l’Impact s’est joint à la National Professional Soccer League. Biello a joué aux deux genres de soccer à Montréal pendant trois saisons, jusqu’à ce que les Toronto Thunderhawks achètent la franchise de soccer intérieur du club. Biello n’a défendu ces couleurs qu’une seule saison avant que la NPSL cesse ses activités, en 2001.


Le soccer faisait partie de la culture familiale des Biello, d’origine italienne. Les deux frères aînés de Mauro jouaient au soccer, mais c’est lui qui a gravi les échelons jusqu’au niveau professionnel, dans leur ville natale.


« À l’époque, ce n’était pas comme aujourd’hui, se rappelle Biello. C’était plus difficile de se rendre en Europe. Il fallait un bon réseau, de bons contacts. La couverture n’était pas aussi vaste. Au début des années 1990, on n’avait pas vraiment Internet. Il n’y avait pas de télé par satellite pour regarder le soccer. Tu es un jeune Canadien. Il y avait une ligue ici. J’ai joué à l’intérieur et à l’extérieur, et j’ai plutôt bien fait. »


Il n’était pas le plus grand. Il n’était pas le plus fort. Mais Biello, attaquant de formation, était déterminé. Il a marqué 77 buts et donné 67 passes décisives en 389 matchs avec l’Impact. Il est encore celui qui a joué et marqué le plus dans l’histoire du club. Il est aussi le seul joueur dont le numéro est retiré au Stade Saputo.


Heath Pearce n’a fait que passer à Montréal, en 2014. Mais il est convaincu que Biello, conscient de l’histoire du club où il a passé sa vie, en tire un certain avantage.


« Quand nous disait d’avoir de la fierté, on savait d’où ça venait », relate Pearce, en entrevue téléphonique.


Pearce croit que Biello a tout ce qu’il faut pour réussir comme entraîneur-chef en MLS. Il se souvient d’un entraîneur-adjoint ouvert et cultivé, capable de trouver un équilibre entre la fermeté d’un patron et la facilité d’approche d’un collègue-joueur.


Biello a aussi fait valoir son message, les quelques fois où il a pris la relève de Frank Klopas, suspendu. Il ne faisait pas que remplacer l’entraîneur-chef, constate Pearce. Il prenait le contrat au sérieux.


« Il a toujours eu cette capacité à faire passer son message, souligne Pearce. J’ai pu le voir quand il était entraîneur-chef. À la pause d’un de nos matchs, il est entré et a explosé dans le vestiaire. Mais il n’a pas lancé de vulgarités ni perdu son sang-froid. Il est entré, il a insisté sur son message, et il l’a dit de façon à ce qu’on sente son énergie. Son propos avait une raison d’être. […] Tout ce qui sortait de sa bouche avait une valeur.


« Il a pris la barre avec grand enthousiasme, poursuit-il. Il a démontré de l’assurance. Il a montré qu’il était certain de savoir ce qu’il faisait. Il était capable de gérer tout ça. »


Jason Di Tullio, actuel entraîneur-adjoint de l’Impact, a été défenseur de 2002 à 2007, jusqu’à ce que les blessures mettent fin à sa carrière. Il reconnaît qu’à sa première rencontre avec Biello – alors entouré de joueurs plus gros et grands que lui –, c’est la phrase suivante qui lui est venue en tête : « Mais pourquoi est-il bon comme ça? »


Or, rappelle Di Tullio, Biello compensait ses lacunes physiques par sa préparation.


« J’ai toujours cru que Mauro était prêt et qu’il faisait toutes les bonnes choses pour que son corps soit dans un état optimal, précise Di Tullio. Et puis, il y a sa personnalité. On ne peut pas ne pas aimer Mauro Biello. Je me rappelle avoir été à l’aise de lui parler. […] Ça suscite le respect. Il est prêt, il va sur le terrain, il joue bien, il sort, il reste humble et toujours reconnaissant envers le club qui lui a donné sa chance. Je suis qui je suis maintenant, dans ce milieu, à cause d’un gars comme lui. »


L’Impact a gagné trois championnats de deuxième division et sept Coupes des Voyageurs avec Biello à bord. Mais la Coupe des États-Unis demeure un grand moment de sa carrière.


« Nous avons réussi l’impensable [dans une] superbe ville de soccer, raconte-t-il. Nous savions que nous avions une équipe talentueuse. Nous savions que si nous étions solidaires et que nous étions assez humbles pour travailler l’un pour l’autre et assez courageux pour prendre des risques, nous allions réussir. Cette équipe était solidaire. Les gars se battaient l’un pour l’autre sur le terrain. Les gars étaient déterminants au bon moment. Nous avions un excellent gardien [Pat Onstad] et d’excellents joueurs au milieu et devant. »


Biello a gagné son dernier trophée à son dernier match, le match retour d’une victoire de 6-3 au total des buts contre les Vancouver Whitecaps dans la finale de la Première division des USL en 2009 – il était monté au jeu en seconde mi-temps. En cours de saison, Biello avait demandé au club de penser à lui si un poste d’entraîneur-adjoint s’ouvrait.

La loyauté envers son club et sa ville  -

Il a annoncé sa retraite et son nouvel emploi le même jour.


« Mauro a une très grande intelligence du jeu, avance Di Tullio. Quand tu es en conversation avec Mauro, tu n’abordes pas seulement ce que tout le monde peut voir. Mauro peut entrer dans les détails, et il m’a aidé à améliorer mon jeu. Je jouais à droite, et Mauro jouait comme ailier droit. On s’assoyait, et on se demandait ce que je devais faire dans tel ou tel scénario. J’ai toujours espéré qu’il aurait son équipe. Si une équipe peut jouer comme Mauro l’entend, elle réussira. »


« Je dis toujours – et je crois que c’est [Pep] Guardiola qui l’a dit – que nous sommes des voleurs d’idées, ajoute Biello. Tout est dans la manipulation et l’adaptation des idées sur lesquelles tu travailles. Au bout du compte, je suis ouvert d’esprit, et je peux apprendre des entraîneurs de l’Académie comme je peux apprendre des entraîneurs de cette ligue ou de l’étranger. »


Biello a, jusqu’ici, été l’élève de cinq différents entraîneurs montréalais : l’actuel entraîneur-chef du Fury d’Ottawa, Marc Dos Santos, le vice-président des relations internationales et du développement technique de l’Impact, Nick De Santis, l’entraîneur des Red Bulls, Jesse Marsch, de même que Marco Schällibaum et Frank Klopas, congédié récemment.


Il s’agit maintenant d’appliquer les leçons qu’il en a tirées. L’audition pour le poste permanent commence en pleine course aux séries.


« Avec tout ce que j’ai appris au fil du temps – et que j’apprends encore aujourd’hui, j’espère pouvoir rester ici », reconnaît Biello.